Fil de vie

Tandis que le reste du groupe franchissait le portail de Livia pour rentrer à Hurlevent après cette première nuit au refuge des embruns, le druide poussa un long soupir. Le travail qui les attendaient était conséquent, mais une autre tâche d'importance l'attendait avant de mettre la main à la patte.
D'abord, Seth se contenta de se promener tout autour du bâtiment; laissant ses mains trainer sur l'écorce des arbres, prenant tout son temps pour se laisser imprégner par l'essence des lieux, les yeux mi-clos. Il s'oublia dans les herbes folles qui cernaient la demeure, prît le temps de connaître chaque arbre, chaque foyer de végétation, pour finalement s'installer en tailleur dans un coin.

Yeux clos, parfaitement détendu, le druide s'ouvrit à la nature qui l'entourait. Il se laissa porter par le vent, le long des arbres, entre les feuilles; ne fit qu'un avec la bourrasque tandis qu'il projetait ses sens autour de lui. Bientôt, il se trouva en mesure de saisir chaque fruit, d'effleurer chaque brin d'herbe; où toutefois s'en sentait-il capable alors que son corps restait statique, figé dans sa méditation. Des heures durant, il ne bougea pas, attentif aux voix du refuge, et ce n'est qu'en fin d'après-midi qu'il revint à lui, désormais assuré de l'allégeance des lieux.

Seth et Livia étaient arrivés tard dans la nuit au Refuge, si tard que l'heure était plus proche du matin qu'autre chose, d'ailleurs. Grappillant quelques heures de sommeil dans un endroit reculé de la forêt, à la belle étoile, les deux se seront mis au travail dans la matinée, pour participer à la rénovation de l'endroit.

La Magicienne, pas assez forte physiquement pour abattre du travail comme pouvait le faire Baudrick, se servait de ses talents de différentes façons : les gros débris qui bloquaient les passages, ou étaient trop dangereux, et qui ne pouvaient guère être récupérés, se voyaient désintégrés en miettes par la transmutation.
Elle s'affairait également à maintenir des parties de la structure grâce à l'arcane - comme des morceaux de toits, ou de murs - pour ne pas qu'ils s'effondrent tandis que le groupe travaillait dessous et sécurisait ainsi considérablement les travaux.
Et, enfin, sans doute quelque chose dont tout le monde saura lui être reconnaissant : elle avait acheté un balai, et elle l'avait enchanté. L'objet parcourait les ruines tout seul, renvoyant toute la poussière et les déchets accumulés dans le Néant Distordu, épargnant cette tâche ingrate aux autres.

Du reste, sa présence est toujours le signe de certains conforts : boissons rafraîchissantes à volonté, petits en-cas et une bonne humeur à rude épreuve. Et lorsqu'elle prend des pauses, Livia le fait en musique et s'amuse à jouer quelques airs entraînants pour encourager les uns et les autres.

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Livia et Seth s'étaient éclipsés en même temps une fois la soirée bien avancée, laissant Kriss, Daniel, et le reste de l'équipage pour rejoindre la cale. Et le druide n'avait pas menti : son hamac était resté vide, disponible pour la haute-elfe. Et pour cause, il avait rejoint celui de Livia, et les membres de Marchebruine auront pu facilement les apercevoir dormir dans les bras l'un de l'autre jusqu'au petit matin.

Illustration:

Le lendemain, la jeune arcaniste aura profité du voyage en bateau, s'amusant à questionner les marins, à regarder l'horizon, et à s'intéresser à des choses et d'autres. Outre cela, elle s'est rapprochée du cartographe pour lui demander de lui apprendre la lecture des cartes maritimes, ainsi qu'elle avait dit qu'elle le ferait.
Du reste, on la verra toujours partante pour une partie de dés, et enthousiaste pour un coup à boire.

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Après un temps passer à s'habituer au rythme du navire, Seth négocia ardemment une place dans le nid de pie du grand mât. Le ciel grondait toujours au loin, et le druide s'inquiétait des conséquences que pourraient avoir un orage sur le groupe; si bien qu'il retenta l'expérience des pics foudroyés. Dans une profonde méditation, il resta assis au sommet du nid de pie, s'échinant à ignorer les réflexions périodiques que lui assénait le guetteur de l'équipage; et ce jusqu'à atteindre un état de transe dans lequel il semble impossible de venir le déranger.

Pourtant, ses lèvres remuent doucement; et ses yeux semblent rouler sous ses paupières; sans doute rêve-t'il ?

De la nuit, après l'enthousiasme de la fuite, personne n'aura vu Seth et Livia qui avaient disparu dans la cabine, aimablement laissée à leur usage par Cinderella.

Dans la matinée, sinon, la Magicienne - d'une bonne humeur persistante et à toute épreuve - sera venue s'enquérir des nouvelles des uns et des autres, pour ensuite incanter un portail pour les quelques prisonniers qui voulaient rejoindre la ville. Outre cela, elle aura tenté au mieux de nourrir les blessés avec de meilleurs mets que les rations prévues par les pirates, invoquant de quoi les requinquer. Kriss aura le droit, elle, à quelques bouteilles d'alcool et Baudrick à des chocolats.

Elle se sera ensuite rapprochée d'Edouard pour continuer à apprendre à lire des cartes maritimes, sérieuse et appliquée dans cette tâche.
Du reste, elle n'est jamais trop loin de Seth ou de Daniel, veillant sur eux avec attention. La tempête l'aurait peut-être rendue un brin méfiante.

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Livia n'avait guère attendu, en mettant les pieds dans le campement, et avait rapatrié Seth droit dans la tente qu'ils partageaient tous les deux. C'est avec une douceur rare qu'elle l'avait déposé sur le lit qu'ils avaient quitté quelques heures plus tôt, avec des promesses qui sonnaient encore agréablement à ses oreilles. Elle avait en outre rajouté quelques coussins derrière sa tête et un en-dessous son bras mutilé, qu'elle observait régulièrement avec un air de tristesse absolue.

Le Druide ne pourrait plus voler, et elle savait combien cela allait le peiner. Eux qui s'étaient rapprochés grâce à leurs multiples envols, et qui s'étaient finalement trouvés dans les hauteurs des Pics Foudroyés, là où nul autre n'aurait pu l'emmener. Quelque part, elle espérait presque qu'il ne se réveillerait pas avant longtemps, pour retarder le moment inéluctable où il se rendrait compte pour de bon la perte de son bras. Mais la majorité de son âme criait pour qu'il se réveillât dans l'instant, pour la rassurer et l'étreindre, comme il savait si bien le faire.

Elle voulait qu'il se réveillât, et qu'ils reprennent là où ils avaient été interrompus au matin, et oublient le passage du colosse. Mais elle savait cela impossible, et elle savait que les choses allaient changer. Cela l'inquiétait considérablement, elle-même avait du sacrifier une part d'elle-même (certes moindre) pour pouvoir venir à bout du colosse. Un regard sur la besace qu'elle avait laissé traîner dans la tente, et qui contenait encore le chardon sanglant, lui confirma ces pensées. Mais Seth allait avoir besoin d'elle, et cela la rassurait aussi, en un sens. C'était une raison de plus pour rester auprès de lui, après tout. Et pour lui de rester auprès d'elle.
C'était plus facile, pour la magicienne, de se retrancher derrière de tels arguments. Elle qui ne s'était jamais attachée, elle qui s'était toujours lassée de la compagnie des autres. Assumer des sentiments si puissamment étrangers à ce qu'elle avait toujours ressenti pour les autres était encore trop dur pour elle.

Personne ne la vit en tout cas du reste de la nuit, et pour cause : elle resta auprès de son compagnon tout le long. Tantôt pour caresser sa chevelure brune, tantôt pour envelopper son bras blessé dans du tissu. Incapable de prendre du repos, tiraillée par les souvenirs du combat, par les morts, et par l'épuisement psychique, elle se sera occupée autrement. Elle joua parfois quelques notes tirées de son luth, elle prit des notes diverses, écrivit même le rapport. Elle tourna longtemps en rond, prit le temps de se laver, puis de rincer son compagnon pour une brève toilette pendant son sommeil. Maintes et maintes fois, son regard se dirigea de lui-même vers la sacoche de la Haute-Elfe et vers les herbes qu'elle contenait.
Mais elle se contint. « Au moins jusqu'au réveil de Seth », se répétait-elle en boucle. Alors elle s'occupa encore, et encore.

Le petit matin venu, elle sortit enfin s'enquérir du sort des uns et des autres, après s'être assurée que le Druide ne semblait pas en mesure de se réveiller dans l'immédiat. Elle invoqua de la nourriture pour les lèves-tôt, et supervisa les runes qu'elle avait demandé à Belle. Elle partit même tôt à l'aube au marché de Mar'at pour acheter un cache-œil à Kriss, qu'elle déposa près de sa couche. Daniel eut droit à un jeu de faux sourcils et d'une fausse moustache, que Livia avait probablement dégoté auprès d'un marchand gobelin, et un nouveau chapeau élégant pour Baudrick.

Ce ne fut qu'après tout ça, cette nuit d'insomnie et la première heure de l'aube passée à l'extérieur, qu'elle revint dans sa tente pour se coucher auprès de Seth, et finalement s'endormir pour bénéficier de quelques heures de repos auprès de lui, l'angoisse étreignant toujours son cœur.

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Livia n'était pas loin, mais elle n'était cependant pas revenue au petit campement depuis quelques jours, installée avec les Bilvenbach à Mar'at.

Elle s'affairait à faire ce pourquoi elle était venue : apprendre. Et passait donc ses journées tantôt à l'ombre, tantôt au soleil, à dessiner des runes encore et encore. Chaque trait était plus précis au fil du temps, et chaque rune devenait plus aisée à réaliser. Elle utilisait différents outils, différentes surfaces, de sorte à être certaine de savoir les reproduire un jour.
Elle avançait. Du moins, elle avançait jusqu'au moment fatal où ses mains se mettaient à trembler, et si elle acceptait au début quelques sursauts et erreurs dans ses dessins, cela l'agaçait bien vite. Alors, la jeune femme disparaissait un moment, s'éloignant de Mar'at pour aller ailleurs, où nul ne la voyait.

Auprès des Bilvenbach, elle jouait de son luth avec tout son talent de barde -- bien qu'elle ne chantait pas. Elle se rendait sinon utile, participait aux corvées et se faisait discrète, bien que prompte à aller discuter avec tout un chacun pour en apprendre un peu plus sur leurs alliés. Bien entendu, c'était avec Vadec qu'elle discutait le plus, puisqu'il était celui qui avait accepté de lui apprendre les secrets de sa famille - et sans doute était-il un jeune homme à qui il était aisé de parler, aussi.

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L'humeur de Livia vis-à-vis de ses confrères de la Ligue ne s'était pas améliorée le lendemain de leur excursion au Temple d'Uldum. Si elle ne faisait pas plus de commentaire, ou ne cherchait pas la dispute, il y avait ce jugement sévère dans son regard qui s'illuminait dès lors qu'elle en voyait un.

Elle prépara sinon de son côté à remballer le campement, petit à petit. Elle s'affairait à ranger les trouvailles des uns et des autres, nettoyant le bazar engendré à l'aide d'un balai enchanté. Pour aider les autres, et pour leur donner du coeur à l'ouvrage, elle invoqua en outre de la nourriture et des boissons - et du rhum pour Kriss, ou quoique fut sa demande -.

Du reste, elle profita de la fin de matinée pour aller se dorer la pilule au soleil, puisque la suite ne le permettrait sans doute pas.
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